Lundi 15 Juillet 2013 à 11h03
BRÉHAT : UN JARDIN BRETON
Un archipel de granit rose situé dans les Côtes-d'Armor
Caressé par le Gulf Stream, cet archipel de granit rose, situé à dix minutes à peine du continent, a des parfums sucrés de Méditerranée.
En être, ou pas. Appartenir à la confraternité de Bréhat (350 permanents et encore une école) ou ne jouir que d'un titre de passage (5 000 résidents chaque été)... Propriétaire à Bréhat, d'accord, Bréhatin, pas encore. Nuance. Car les textes sont formels : « Sont considérés comme Bréhatins ceux qui ont fait l'école communale. D'où l'habitude de se tutoyer » (L'Archipel de Bréhat, Éric Lebec, L'Ancre d'or Éd.). En clair, acheter une maison à prix d'or (une ruine sans vue pour 500 000 euros et au minimum trois fois plus pour une propriété convenable) n'efface pas le statut d'étranger.
L'archipel situé dans les Côtes-d'Armor couvre 86 îlots et récifs. Bréhat, le principal (3,09 km²), compte 850 habitations. Aux trois quarts, elles appartiennent à des estivants, pratiquement tous sérieux contributeurs à l'ISF. De juin à septembre, le chirurgien côtoie donc l'architecte, le commissaire-priseur, le banquier, l'avocat, le professeur d'université... Le reste du temps, c'est volets clos et sternes tranquillement posés sur la haie du jardin.
Il faut aussi distinguer entre ceux du Nord et ceux du Sud. Un regard sur la carte montre que Bréhat est un 8, deux parties donc, reliées par le pont Vauban, une appellation un brin prétentieuse pour ce qui n'est qu'un muret de pierre du XVIIIe permettant de circuler à sec, du moins tant que la marée reste sage. En bas, un jardin fleuri des fameuses agapanthes et coloquintes, mais aussi de toutes les beautés rapportées du monde entier par des marins émerveillés ; en haut, une lande rase balayée par les vents du jour.
Premier site naturel de France classé
La grille de lecture exige un troisième marqueur. Ici, on désigne chaque maison par le nom de la lignée dont elle a abrité les naissances. Celle des Le Boulaire, celle des Prigent, des Mevel, des Bocher... Les nouveaux propriétaires deviennent malgré eux les héritiers d'une saga familiale séculaire. Ils changeront au gré des modes et des passages chez le notaire, on les oubliera. Alors que l'histoire gravée sur les murs de granit, gloires et heures noires dans la même marmite, échappera au temps. Au mieux, cette logique vacille-t-elle quand le nouvel arrivant porte beau. Alain Souchon, Catherine Breillat, Charlotte Gainsbourg avec Yvan Attal (la maison serait à vendre...), Pierre Clémenti, Liliane Bettencourt ou quelques grands patrons. Elle revient intacte dès que l'étoile a filé. Pour les autres, il faudra plusieurs générations de fidélité avant que le flambeau porte un nouveau nom.
Curieux échange dans lequel les Bréhatins pur jus exigent de leurs nouveaux voisins qu'ils se plient à la loi du sol et à sa mémoire pendant que ces derniers demandent aux précédents de perpétuer l'authenticité d'une vie qui sait la force du courant, qui décode la risée sur les hortensias ou le vol du goéland. Au moins, tous sont d'accord sur l'exceptionnelle beauté de Bréhat, premier site naturel de France classé, le 13 juillet 1907. Un Bréhatin de cœur, Érik Orsenna, lui offre son hymne à l'amour : « Une île qui intimide les nuages : ils demeurent au loin. Une douceur envoûtante de l'air, sans doute la caresse d'un des bras du Gulf Stream. Une flore d'autres latitudes, aloès, mimosas, palmiers, un morceau de Sardaigne au milieu de la Manche » (Deux Étés).
Palmiers et pins centenaires
Ajoutons les plaisirs de la promenade au grand air, la majesté des phares (un éclat toutes les cinq secondes au Rosedo), le silence des chapelles posées sur la lande, la belle église Notre-Dame qui unit dans sa prière ses enfants restés en mer et ceux, 32, morts en 14-18, les superbes haies qui protègent les jardins du vent, l'absence de voitures (seuls les pompiers, les gendarmes et le médecin...), les palmiers et les pins centenaires, la charmante animation de la place du bourg qui rassemble commerces et conversations, le mystère des horizons qui fondent avec le ciel...
Un petit matin, parce qu'il faut bien quitter Bréhat, on embarque sur la navette qui file vers le continent. Alors, dans les grisés du jour qui pointe pendant que la belle s'efface, la tristesse submerge. Une merveilleuse tristesse.
Le guide
À l'abordage !
Train jusqu'à Paimpol (environ 3 h 30 au départ de Paris) puis navette maritime chaque heure en journée, depuis la pointe de l'Arcouest à Ploubazlanec. La traversée dure une dizaine de minutes. L'A/R : 9 € par personne (tél. : 02 96 55 79 50 et www.vedettesdebrehat.com). Une fois sur l'île, louer une bicyclette (13 € par jour) ou marcher.
La plus belle plage
Il n'y en a qu'une, à l'extrême sud de l'île, le Guerzido. Magnifique, en arc-de-cercle, tapissée de sable rose et de rochers de granit, baignée par une eau limpide. La photo sera belle. Hélas, elle n'est pas très grande et affiche vite complet.
Dans de beaux draps
L'hôtel Belle Vue à Port Clos mérite bien son nom. Ses chambres ouvrent sur la baie qui accueille les traversiers et la cale N° 1 est juste devant. Refait à neuf, c'est la meilleure adresse de l'île. Il s'honore aussi d'une table très correcte. À partir de 89 € la chambre double (tél. : 02 96 20 00 05 et www.hotel-bellevue-brehat.fr).
Sur un registre plus simple, La Vieille Auberge (tél. : 02 96 20 00 24).
Coquillages et crustacés
Pas de table gastronomique à Bréhat, mais des adresses sincères où les huîtres et le poisson du jour font la bonne chère. Outre le très agréable restaurant du Belle Vue avec son large panorama sur la rade de Port Clos (tél. : 02 96 20 00 05), citons l'Enez-Vriad, au bourg. Authentique et sans façons, il affiche des menus à moins de 20 €. Ambiance bréhatine pur jus au bar (tél. : 02 96 20 08 05).
Chic, il pleut !
C'est le moment d'aller visiter les Verreries de Bréhat. L'entreprise installée à l'abri du vieux fort qui gardait l'île a développé un brillant savoir-faire, en particulier pour les boules d'escalier et les poignées de portes ou de tiroirs. Les luminaires et des objets de petite décoration s'ajoutent désormais au catalogue. Réalisations remarquables d'élégance et de raffinement. De grandes griffes passent régulièrement commande.
Tél. : 02 96 20 09 09 et www.verreriesdebrehat.com.
Bonnes feuilles
Deux Étés, d'Érik Orsenna. Celui qui passa tant de vacances à Bréhat en raconte l'ambiance. Ciselé et raffiné (4 €, éd. Le Livre de Poche).
L'Almanach des marées. Une mine d'informations, des horaires de haute et basse mer aux secrets des nœuds de marins, de la cuisson des poissons au vocabulaire nautique (2,60 €, Les Éditions de Bretagne).
Le bémol
Lorsqu'on n'a pas le plaisir d'être résident, une journée suffit pour découvrir les charmes de Bréhat.
La bonne idée
Se connecter sur le site www.kerano.com, où sont détaillées toutes les promenades accompagnées par Alain Le Boulaire, un des meilleurs connaisseurs de Bréhat, acteur et conteur, « montreur d'ombres et passeur de lumière », comme il dit.
À partir de 15 personnes, 12 € chacune.
Repères
Syndicat d'initiative de l'île de Bréhat.
Tél. : 02 96 20 04 15 et www.brehat-infos.fr.
Côtes-d'Armor Tourisme.
Tél. : 02 96 62 72 01 et www.cotesdarmor.com.
source : madame.lefigaro.fr
photo : Thomas Goisque / FIGARO