OBJECTIF MEC 2.0 : COMMENT CLIQUER SUR LE BON

OBJECTIF MEC 2.0 : COMMENT CLIQUER SUR LE BON

Que fait une célib inscrite sur les sites de rencontres quand tout à coup elle s’aperçoit que, d’un tout petit mouvement de l’index, elle a des millions d’hommes à sa portée??

Facile?: le bon choix. Depuis que je suis célibataire, j’ai étudié les garçons du boulot, ceux du club de sport et même les commerçants de mon quartier. Et j’en ai assez de scruter chaque silhouette masculine dès que je mets le nez dehors, en espérant the mec. C’est décidé : je m’inscris sur un site de rencontres.

 
Tous les sites de rencontres se valent-ils ?
 
Dès que je leur en parle, c’est fou mais les trois quarts de mes potes m’avouent avoir déjà créé un profil sur un site pour célibataires. Dans ma fenêtre Google, si je tape « rencontrer garçon », je tombe sur une vingtaine de liens qui promettent de me trouver la perle sans que j’aie à lever les fesses. Les payants proposent même de débusquer pour moi les profils compatibles, c’est-à-dire si je saisis bien : ceux qui correspondent aux attentes que je vais mettre dans ma fiche. Le problème, c’est que là tout de suite, je n’ai qu’une vague idée de qui je cherche : drôle, indépendant, et pas déjà fiancé. Ça fait potentiellement pas mal de garçons quand même.
Ma copine Shirin, qui est sur Tilt, me prévient : « Sur les sites gratuits, il y a tellement d’inscrits que tu te retrouves avec 75 mails par semaine, et parfois tu es débordée. Mais le tri par affinités des sites payants, c’est pas forcément plus pertinent. T’y crois, toi, au qui-se-ressemble-s’assemble ? » Certes. Il y a aussi Guillaume qui propose de me parrainer sur sa communauté de célibataires en ligne. Il me recommande de choisir ma plus belle photo, car ce sont les membres qui devront, à la lecture de mon profil, décider s’ils me jugent digne de les rejoindre. Mmmm. Ce qui me rassurerait plutôt, c’est un site avec toutes sortes de gens, parce que moi, je suis loin d’être parfaite. Si je suis tout à fait d’accord pour dire que le physique, ça compte beaucoup, c’est marrant, mais même à travers un écran, je crois au feeling. Shirin me conseille alors le site adopteunmec.com. J’apprends que mon cousin y est depuis un an. C’était donc ça, ce regain de rencarts dans sa vie… Va pour « Adopte » alors.
 
La première connexion
 
Sur la page d’accueil je comprends direct que je vais devoir dégainer mon second degré. On m’annonce la « liquidation totale de tous les frisés » et une « promo sur les moustachus ». Donc, autant créer un profil dans le ton. Je précise que ce que je recherche chez un homme c’est une bonne paire de baskets, pour qu’il puisse me suivre pendant mes entraînements. J’indique mon vrai âge, je ne mens pas sur mon physique, imaginons que je doive vraiment rencontrer quelqu’un : au premier rendez-vous il y a déjà assez de stress, pas besoin de se rajouter des mensonges qui pourraient tout remettre en question. Reste le plus important : la photo. J’en choisis une qui date du réveillon. Comme ça, on voit ce que ça donne quand je suis au top, mais pas au point de me reconnaître si on me croise dans la rue, vu que dans la vie normale je ne mets pas de mascara violet ni de gloss à paillettes. Enfin, pas les deux en même temps. Par contre, mon cousin devrait m’identifier et m’éliminer assez facilement de ses cibles. Cliquer, valider le lien, et hop, inscription terminée, durée : trois minutes.
À peine ma fiche mise en ligne, l’assaut est donné : un encadré m’informe qu’ourson94 et LutinCoquin75 visitent ma page et qu’en un clic je peux leur parler. Mais ce n’est pas fini : à gauche, les « produits régionaux » défilent. Rien que dans ma ville, connectés en ce moment, dix garçons cherchent l’âme sœur ! En flânant un peu sur les profils de mon âge, surprise : voilà ce type avec qui je suis sortie une fois il y a trois mois, qui ne m’avait pas rappelée, et ses 25 542 points au compteur ! En tant que nouvelle, j’en ai 200. Tout s’explique… Bon, il me reste encore 1 287 membres à étudier. C’est incroyable, c’est fou, c’est… trop ! Il faut filtrer. Mais même en plissant les yeux très fort, je ne sens aucune vibration pour l’un de ceux qui sont déjà « charmés ». SOS, Léa, viens à la maison, j’ai du gâteau et un gros problème.
 
Je passe en mode DRH
 
Léa, c’est la miss love 2.0 du groupe. Super occupée par son boulot, pas le temps de draguer, elle a testé tous les sites de la création : E-Darling, Adopte, Attractive World… avant de rencontrer Jacques, il y a trois ans, sur Meetic. Alors trier des profils, elle sait faire. « Quand tu cherches du sérieux, il faut prendre ton temps. Un mec trop pressé, tu trouves ça louche, ben ça marche dans les deux sens. Neuf fois sur dix les échanges débouchent sur un super pote, mais il ne faut pas se décourager, en temporisant, déjà tu élagues pas mal. » Et qui doit faire le premier pas ? Moi ou eux ? Léa trouve que le premier pas sur le Net ne compte pas vraiment. « Celui qui importe, il vient plus tard, dans la vraie vie, quand on se connaît. Par contre, tu dégages d’emblée les pseudos qui font des allusions sexuelles. Et je te rassure, que tu sois sur un site ou dans une boîte le vendredi soir, c’est pareil, ça ne doit pas tout remettre en question : on peut rencontrer quelqu’un de bien sur le Net. La preuve, tu y es. »
OK, vu comme ça, ça n’est pas très romantique, mais je fais confiance à Léa : le romantisme, c’est dans la vraie vie qu’il viendra, s’il doit venir. Le tout, c’est de tomber sur celui qui est fait pour moi dans le tas de mes prétendants. Pépito à portée de bras, motivation au taquet, ce soir homme de ma vie gare à toi, je ne sors pas car je te cherche. Je crée vite mes règles : si la photo est mignonne, ne fait pas trop frimeur, et que le profil est marrant, je prends contact. Exit les fautes qui font saigner les yeux dans les profils, coup de cœur pour ceux qui mettent même les accents circonflexes sur « j’aime faire la fête », parce que moi, l’orthographe, ça me fait rêver. Dans mon courrier, je ne réponds pas aux mails types qui font un peu trop pêche au gros (« slt, belle photo, dispo ce soir pour chatter ? »). Un détail personnalisé, signe que le garçon a vraiment pris le temps de lire ma fiche comme je l’ai fait pour lui, c’est mieux pour démarrer une correspondance. Suite à cette première session, je suis toujours perplexe, j’ai quand même répondu à quatorze personnes.
 
Je temporise
 
Comme prévu par Léa, juste avec du temps certains candidats s’autodétruisent, par exemple cet AntoineL. qui me déclare : « Tu sais ici il y a beaucoup de monde, si tu mets deux jours à répondre tu auras vite fait de perdre ta place dans ma file. » OK garçon, la queue avec ticket moi c’est à la charcuterie que je la fais. D’autres oublient carrément de me lire. Après quelques échanges de mails, je sens que le courant passe bien avec Xavier, 28 ans. Je me surprends à avoir hâte de quitter le boulot pour consulter mon compte. On bascule sur le chat après le dîner pour se raconter notre journée. Au bout de quelques jours, je propose naturellement d’échanger nos numéros.
Et là, j’ai beau être sociable, je me mets à angoisser dès que mon téléphone vibre. Et si sa voix est nasillarde ? Et si son rire est débile ? Et si je change d’avis ? Parce que maintenant, on ne joue plus, c’est mon vrai numéro de ma vraie vie que j’ai donné. Je commence avec des textos : « boss relou/j’ai faim/raté mon bus, la lose » et il répond « boss idem/la crève/voiture en rade ». C’est agréable, d’avoir quelqu’un en tête. On reprend vite l’habitude ! Le vendredi suivant, je reçois des amis, et entre le carrot cake à glacer, le poulet à rôtir et l’appart à ranger, je me dis que je prendrai le temps de répondre à Xavier plus tard, même que je lui proposerais bien un restau. Le lendemain je suis réveillée par un texto : « OK, je vois que tu es passée à quelqu’un d’autre, salut alors. » La douche froide. Voilà un monsieur bien impatient. J’imagine sa réaction s’il avait su que j’échange toujours par mail avec deux autres garçons… Apparemment on n’est pas sur la même longueur d’onde : moi, je ne peux pas m’engager autant avant d’avoir vu la personne, alors qu’il en est déjà à réclamer l’exclusivité. Mais quand je m’explique, il répond que c’est pas sa faute si je ne sais pas ce que je veux. Là, on a fait le tour.
 
Je positive (enfin j’essaie)
 
Après le coup du Xavier, je recommence à zéro plusieurs fois avec des prétendants. Profil, tri, mails… Pas mal de garçons croient que c’est réglé quand je leur donne mon portable, et deviennent pressants. Quand je me décide pour un verre dans un bar, je pars toujours pleine d’espoir, mais à chaque fois, je tombe sur un garçon qui ne correspond pas du tout à ce que j’ai imaginé et je suis rapidement mal à l’aise : humour un peu lourd, suspicion de petite copine, attitude trop empressée ou faussement familière… Il y a toujours quelque chose qui me bloque pour donner suite. Et je me fais confiance, rapport au feeling. Après coup, je fais la morte. Je sais, c’est mal, mais s’expliquer, j’ai essayé, ça ouvre la porte à un plaidoyer pour un deuxième rendez-vous qui sera inutile. (« Mais comment tu peux en être si sûre ? – Parce que. ») Bilan après trois mois : Mec 2.0 = 0, Frustration = 1.
Un soir je trouve dans ma boîte mail une invitation de Florian, avec qui j’échange depuis peu : « Ce soir je vais au Rendez-vous des amis avec des potes, ça te dit de passer, t’es du coin, non ? » Tu parles : le RVDA, c’était mon QG des années fac ! Or ce soir ma pote Jo vient de me planter, alors qu’on devait sortir débriefer sur mon introuvable mec 2.0. J’avais déjà choisi ma tenue… Alors je fais encore confiance à mon instinct. Et là il me dit : « Bloody mary. » Ni une ni deux, avec Florian on échange nos portables pour pouvoir se retrouver, on ne s’appelle même pas, je chope mes bottines pailletées et mon air le plus casual friday, histoire de faire classe naturelle va pas croire que j’ai essayé quatre coiffures avant de sortir.
En entrant dans le bar, je me demande quelle mouche m’a piquée, c’est blindé et je ne vois pas le garçon de la photo. Je frise le demi-tour pour me faire une soupe en brique quand soudain, tape dans mon dos : « Salut, on a rendez-vous je crois. » Mèche dans l’œil, air un peu timide, le Florian réel est très loin de sa photo, mais il me met à l’aise tout de suite. On échange une bise, et le serveur lui tend sa commande. « Tiens, je viens de prendre ça, mais si ça te dit, c’est pour toi. Promis j’ai pas bu dedans ! » Oh, oh, un bloody mary. Ça, c’est un signe. En le suivant vers la tablée de potes, je n’ai pas l’impression d’être dévisagée comme une curiosité, et on se marre bien. Je me couche pensive. Il n’est pas comme j’avais cru, mais je le trouve touchant, et sympa, sans compter que ses amis inspirent confiance. J’espère qu’il va me rappeler pour creuser un peu. Ou alors, peut-être que je pourrais l’inviter moi ? Tiens, c’est la première fois que j’y songe ! Un autre signe ?
 
Et après ?
 
Mec 2.0 = 1 ! Mais attention : entre ce rendez-vous et notre premier baiser, il y a encore eu dix coups de fil, trois sorties entre potes, un ciné, et deux restaus. J’ai pris le temps d’être sûre de moi (et de vérifier qu’il était vraiment célibataire). Florian n’a pas explosé en plein vol, lui. Il a fait à mon rythme, parce que c’était aussi le sien. Il m’a avoué plus tard que pour ses potes, j’étais une copine de primaire qu’il avait retrouvée sur Facebook, et que je n’étais pas vraiment son genre. Enfin, qu’il croyait. Voilà pourquoi le premier rendez-vous au bar était si agréable : il n’y avait pas de pression. C’est pourtant ce jour-là que tout a commencé. Et si Jo n’avait pas annulé notre dîner, je n’y serais jamais allée. Comme quoi, dans la rue, au boulot, en vacances ou sur le Net, l’amour trouve toujours le moyen d’arriver par surprise !
 
credit photo : DR
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