Mardi 4 Juin 2013 à 12h59
NAISSANCE ORGASMIQUE : IL SERAIT POSSIBLE D'AVOIR UN ORGASME PENDANT UN ACCOUCHEMENT
Quand Elena Skoko a donné naissance à sa fille il y a trois ans, elle a ressenti de la douleur.
Mais elle a aussi ressenti autre chose: d'incroyables vagues de plaisir comparables à un orgasme.
"J'ai eu cette sensation de vagues de bien-être me traversant", assure Elena Soko, chanteuse et auteur du livre Memoirs of a Singing Birth.
Bien que l'accouchement soit souvent synonyme de douleur et de punition, certaines femmes vivent en effet une naissance extatique voire orgasmique: selon un sondage récemment paru dans la revue américaine Sexologies, les sages-femmes estiment qu'un orgasme se produit lors de 0,3% des accouchements.
Anatomiquement, une naissance orgasmique n'est pas surprenante, estime Barry Komisaruk, professeur en psychologie à l'université de Rutgers dans le New Jersey. Plus inattendu: cette stimulation intense du canal vaginal au cours de la naissance pourrait même bloquer la douleur, que la stimulation soit ressentie de façon sexuelle ou non.
Une naissance orgasmique: oui, c'est possible
Les histoires d'accouchements orgasmiques ne datent pas d'hier mais elles ont longtemps été étroitement liées avec les accouchements naturels. C'est probablement en 2009 que le phénomène a été le plus médiatisé grâce au documentaire Orgasmic Birth: The Best-Kept Secret ("Naissance orgasmique: le secret le mieux gardé", en français), réalisé par Debra Pascali-Bonaro.
Le concept de plaisir pendant la naissance laisse souvent les gens sceptiques, explique cette dernière au site LiveScience. Certains considèrent l'idée même de sensations sexuelles à ce moment est inacceptable.
"Les gens voient 'naissance' et 'orgasmique' ensemble et on touche soudain à une corde sensible sur la sexualité", explique Debra Pascali-Bonaro. En plus de cela, ajoute-t-elle, de nombreuses femmes accouchent dans des endroits où on ne leur laisse pas la possibilité de se déplacer librement à cause des appareils médicaux de surveillance, elles n'ont pas énormément de soutien et n'ont pas de droit de boire ou manger si elles doivent subir une césarienne. Toutes ces limitations font qu'une naissance à peu de chances d'être plaisante.
Le nouveau sondage, mené par le psychologue français Thierry Postel, est le premier à donner de vrais chiffres sur le phénomène. En faisant parvenir des questionnaires à 956 sages-femmes, Thierry Postel a obtenu 109 réponses complètes. Au total, ces 109 sages-femmes ont assisté à 206.000 accouchements. (Postel explique avoir choisi de s'intéresser aux sages-femmes plutôt qu'aux médecins ou aux infirmières car ces dernières ont la possibilité d'être au plus près des mères lors des accouchements.)
Les résultats ont "prouvé que le plaisir au cours des accouchements existe", écrit Postel. Les sages-femmes témoignent de 668 cas dans lesquels les futures mères ont parlé de sensations orgasmiques et de 868 cas dans lesquels l'attitude des accouchées montrait des signes de plaisir. Neuf mères ont par ailleurs accepté de compléter le questionnaire pour confirmer qu'elles avaient eu un orgasme au cours de l'accouchement.
Pascali-Bonaro considère cependant que ce sondage sous-estime la réalité de la situation en interrogeant les sages-femmes plutôt que les femmes directement. Lors d'une des projections de son film, cette dernière raconte qu'un obstétricien a pris la parole pour dire qu'il n'avait jamais vu ça de toute sa carrière.
"Trois rangs derrière lui, une femme s'est levé et a dit: 'Docteur, j'ai accouché avec vous il y a trois ans et cela a été très orgasmique, j'ai eu un orgasme, mais qu'est-ce qui vous fait penser que je vous le raconterais ?'", se rappelle Pascali-Bonaro.
Anatomie d'une naissance orgasmique
La recherche suggère que cette expérience s'explique par un aspect anatomique très simple. "C'est une stimulation de la filière génitale — vagin, col de l'utérus, clitoris —", explique Komisaruk sur LiveScience. "De nombreuses femmes disent aussi que les contractions utérines pendant un orgasme sont agréables".
Chaque femme a une anatomie différente, assure Komisaruk. Certaines peuvent donc éprouver du plaisir pendant l'accouchement quand d'autres ne ressentent que de la douleur.
"Il existe tellement de facteurs qui peuvent faire la différence entre une réponse agréable et une réponse terriblement stressante qu'il est impossible de faire des généralités. [...] Tout le monde à un seuil de tolérance à la douleur qui est différent. Tout le monde à une réaction différente. Si une femme a peur de la sexualité et qu'elle éprouve une sensation agréable au moment de l'accouchement, il se peut qu'elle trouve cela très déplacé et qu'elle entraîne alors une réaction inverse.
En d'autres termes : il ne faut pas se mettre la pression.
"Nous n'essayons absolument pas de dire que cela devrait être la norme", affirme Pascali-Bonaro. Cette dernière pense que le but est d'informer les femmes et de leur donner toutes les options possibles pour accoucher et être soutenues afin que l'expérience soit la plus agréable possible.
La science de la douleur et du plaisir
Qu'une naissance orgasmique soit possible ou non, il y a une bonne nouvelle. Komisaruk et ses collègues ont découvert que la stimulation sexuelle et l'orgasme réduisaient la sensibilité à la douleur.
En 1988, Komisaruk et son équipe ont publié une étude dans le "Journal of Sex Research" et ont constaté que lorsque les femmes stimulaient leur vagin ou leur clitoris, elles devenaient moins sensibles aux stimulations douloureuses, mais pas aux autres stimulations tactiles.
En 1990, les chercheurs ont continué leurs recherches et ont découvert que les femmes étaient moins sensibles à la douleur pendant le travail qu'avant et après l'accouchement (ces femmes ont eu recours à des techniques de respirations plutôt qu'à un traitement médicamenteux pour accoucher).
Komisaruk a aussi découvert sur des rats que la stimulation vaginale bloquait la substance P (qui transmet la douleur) au niveau de la moelle épinière. En clair, les neurotransmetteurs chargé de délivré le message "aïe!" au cerveau sont directement stoppés. "Bloquer la douleur est en fait une fonction psychologique très ancienne du système génital", confirme-t-il.
Il s'est aussi intéressé au fait que deux régions du cerveau qui s'activent au cours de l'orgasme — le cortex cingulaire antérieur et le cortex insulaire — sont aussi en éveil pendant les expériences douloureuses.
"Il se passe quelque chose de très intrigant entre le plaisir et la douleur", assure Komisaruk qui détient un brevet sur cette substance qui bloque la douleur chez les rats (le peptide vasoactif intestinal). D'après lui, certaines compagnies pharmaceutiques seraient intéressées mais aucune n'est encore prête à verser les fonds nécessaires pour effectuer des tests sur les humains.
Plus naturellement, Pascali-Bonaro affirme que stimuler la poitrine ou le clitoris soulage la douleur pour certaines femmes lors de l'accouchement. Certaines utilisent même un vibromasseur.
"Des femmes ont honte d'éprouver du plaisir alors que notre culture veut que l'on souffre", regrette Pascali-Bonaro. "Il faut que l'on change ça".
Pour Skoko, qui a chanté pour mieux vivre ses contractions, accepter l'idée de sensualité dans la salle d'accouchement était la clé:
"Le moment où je me suis rendu compte que mon corps se comportait de manière sensuelle spontanément, le fait de ne pas faire obstruction, de suivre cette sensation a fait que le travail s'est déroulé rapidement", assure Skoko qui a accouché au centre de naissance naturelle Yayasan Bumi Sehat à Bali en Indonésie. "J'avais mal mais ça ne me faisait pas peur parce que je regardais la douleur en face", affirme Skoko. "C'était drôle parce que j'ai pu rire tout le long".
source : www.huffingtonpost.fr