BERENICE BEJO : "CANNES, LA PEUR DE MA VIE !"

BERENICE BEJO : "CANNES, LA PEUR DE MA VIE !"

Consécration pour l'héroïne du film Le passé.

Deux ans après être venue présenter The Artist, elle décroche le prix d'interprétation féminine à Cannes pour son rôle émouvant dans Le passé, d'Asghar Farhadi: celui de Marie, une femme tiraillée entre son ancien mari et son nouvel amour (Tahar Rahim). Bérénice Bejo s'était confiée à Gala avant l'ouverture du festival.
 
Gala : Votre première scène dans Le passé est muette: elle se passe à Roissy où on vous voit parler à travers une vitre à votre ex-mari juste atterri d’Iran, qui ne vous entend pas. Un clin d’œil du réalisateur iranien à The Artist? 
Bérénice Bejo : Involontaire! C’est une très belle scène car elle dit d’entrée le manque de dialogue qui a conduit ce couple à la séparation. J’aime définitivement les réalisateurs dont le langage passe par l’image avant de s’en remettre aux mots.
 
Gala : Il semble que vous ayez répété le rôle comme s’il s’était agi d’une pièce. 
B.J. : Pendant deux mois nous avons joué le texte sans caméra. C’était troublant. Mais tellement agréable d’être dirigée d’aussi près. Ça me rassure énormément.
 
Gala : Avez-vous l’impression d’avoir fait un film «iranien»? 
B.J. : Seulement dans la mesure où Ashagar nous dirigeait dans sa langue, mais flanqué d’un interprète dont la voix française a fini dans notre esprit par «être» celle du réalisateur. J’ai surtout eu l’impression de faire un film dont le propos est universel en transcendant la notion de «langue».
 
Gala : Ali Mousapha, votre partenaire, a appris le français au fil du tournage.
B.J. : C’est fantastique cette capacité d’adaptation. Ça m’a rappelé que mes parents ayant fui l’Argentine ont débarqué sans connaître un mot de Français et se sont fait une place ; en dépit de l’accent à couper au couteau de mon père qui peine encore à différencier «être» et «avoir»! 
 
Gala : L’espagnol est votre langue maternelle? 
B.J. : Et désormais celle des mes enfants. C’est une richesse.
 
Gala : Votre personnage, Marie, est sur le point de refaire sa vie quand débute le film. Vous évoquait-elle quelqu’un?
B.J. : Jouer Marie m’a rapprochée en effet de ma grande sœur qui vit en Argentine une vie plus complexe que la mienne en ce moment. Elle doit se démener avec quatre enfants et fait plusieurs boulots comme beaucoup de gens en Argentine. Des films comme Le passé permettent aux actrices de garder les pieds sur terre.
 
Gala : L’échec répété de nombreuses grosses productions françaises, donne un relief particulier à ce film, tourné en mode low cost.  
B.J. : Je ne suis pas contre le cinéma commercial qui sert de locomotive à une production plus modeste.  Je me dis en revanche qu’il faut peut-être avoir une pensée moins «libérale» au moment de distribuer l’argent qui finance le cinéma ; que les producteurs investissent plus dans l’écriture avant de penser aux vedettes qui feront le casting. Un film c’est une bonne histoire avant d’être des noms prestigieux sur une affiche.
 
Gala : Michel Hazanavicius vient de signer dans Le Monde une tribune allant dans le même sens. Il a aussi un nouveau film en préparation avec vous. Où en est-il? 
B.J. : Michel termine de boucler le financement de ce qui sera un film de guerre (Les anges marqués, ndlr) qu’il tournera en plusieurs langues. Les prises de vue devraient commencer en août…
 
Gala : L’an dernier vous étiez la Maîtresse de Cérémonie du festival. Un souvenir? 
B.J. : D’avoir eu la bouche sèche dans des proportions inimaginables! J’ai eu peur que mes lèvres restent collées sur mes dents (rires) ! Jamais je n’avais eu aussi peur de ma vie. Je m’étais convaincue de présenter cette soirée d’ouverture, parce ce que dans la foulée de mon César et du succès de The Artist je me sentais redevable. Je crois me souvenir qu’Audrey Tautou m’avait demandé conseil au cas où: je lui avais dit "boire beaucoup d’eau" (rires). J’espère qu’elle l’a suivi! 
 
source : www.gala.fr
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