FAUT- IL VRAIMENT REPEINDRE LES MURS EN ROSE ?

FAUT- IL VRAIMENT REPEINDRE LES MURS EN ROSE ?

A en croire les magazines de déco et autres sites dédiés, il suffirait de passer ses murs au rose pour aussitôt voir… la vie en rose.

C’est oublier que les murs ont des oreilles et que si Piaf enchante, le rose, lui,… pique aux yeux.

Mais de quoi parle-t-on au juste ? Flashy, fuchsia, girly ou Malabar, le rose est partout et malgré tout nulle part. A trop hésiter entre l’aristocratie du blanc et le rouge sanguinolent, il a fini, en se perdant de vue, par échapper au regard. Certes, « rose » rime avec « ose » et, dans la vie comme en déco, une dose d’audace s’impose. De réflexion aussi ! Avant de passer à l’acte, un conseil amical, tournez sept fois le pinceau dans son pot et laissez passer sept ans. Gardez donc en mémoire le tollé que provoqua le passage du Stade Français et de ses malabars au maillot rose poupard. Car soyons clairs sans être rosses, c’est sur sa charge symbolique que le rose bute. Sans avoir lu tout Pastoureau* (ni Venilia), nul n’ignore que, tout en tirant sur la guimauve, le rose est aussi marqué qu’ingérable. De la pouponnière à la bonbonnière à mémère, il envoie droit dans le décor. Féminin en diable et diablement coquin, le rose bascule encore entre conte enchanté et sexualité tarifée. Bien des Barbies pourraient en attester ! Bref, le rose n’est pas neutre et l’adopter confine parfois au crime. Souvenez-vous, Mademoiselle Rose, dans le salon, poignard planté dans le Cluedo ! Même la nature invite à la méfiance. Avant de mettre ses pétales au vert, une rose sur deux ne choisit-elle pas le rouge pour être sûre de plaire ?
 
N’empêche que… le rose a retrouvé son chemin, à tel point qu’on en perd son latin. Rosa, rosam, rosae… il s’invite à la maison dans toutes ses déclinaisons. Par la grande porte qui plus est.
De là à le laisser faire les pieds au mur, il n’y a qu’un pas. Le créateur Manuel Canovas fut parmi les premiers à le franchir, anoblissant avec esprit ce rose honni. Toile de Jouy à l’appui, il le fit dans la grande tradition d’un XVIII e siècle revu et corrigé. Vrai que le rose évoque les carnations équivoques des Fragonard et des Boucher, autant que la douceur baroque des folies et palais. A la faveur du Revival 50’s et 60’s, « so poudré », il fait encore des merveilles. Dans une ambiance Technicolor, il porte le vermillon d’un Royère, sublime l’orange ou le turquoise d’une faïence émaillée. Au pied du mur repeint de frais, surpris d’avoir osé, on balancera, satisfait, dans son Eames élimé. Grace Jones sur le pick-up, un Pink Lady en main, on commencera à voir enfin… la vie en moins morose.
 
source : www.elle.fr
credit photo : Xavier Imbert
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