Lundi 13 Mai 2013 à 12h22
APRES "BEAUTIFUL BASTARD" ET "CINQUANTE NUANCES DE BREY" , LES EDITEURS S'INTERESSENT AUX FANFICTIONS
Un nouveau "sex-seller" a fait son apparition dans les rayons des librairies françaises.
Après le phénomène Cinquante Nuances de Grey, le roman érotique du moment s’appelle Beautiful Bastard et il a au moins deux points communs avec son prédécesseur: Comme 50 Shades, on y parle de sexe... mais Beautiful Bastard est aussi une “fanfiction” transformée en phénomène de librairie.
Ces récits écrits par des fans en reprenant les personnages ou l’univers d’une œuvre qu’ils affectionnent, intéressent de plus en plus les maisons d’édition. Et il y a fort à parier que parmi les futurs best-sellers, on compte de nombreux romans de ce type dénichés sur le Web.
Encore un bestseller inspiré de Twilight
Beautiful Bastard ressemble à ce qu’on appelle communément une success story. Ecrit et publié sur Internet par deux trentenaires américaines totalement inconnues jusqu’alors (Christina Hobbs et Lauren Billing), le roman est arrivé en 9e position de la liste des bestsellers du New York Times avant de débarquer en France le 2 mai dernier.
En une semaine, ce premier roman - édité à 150.000 exemplaires (oui, c’est beaucoup) - est déjà treizième des ventes de la Fnac et connaîtra certainement le même accueil dans les quinze autres pays où des éditeurs ont racheté les droits. Pour compléter le tableau, l’adaptation cinématographique vient d’être signée avec le studio allemand Constantin Films.
Ce roman érotique met en scène les relations tumultueuses de Bennett Ryan, trentenaire arrogant bientôt à la tête de la société familiale, avec sa jeune assistante, Chloé Mills. La trame du livre est simple: les deux personnages sont beaux et talentueux mais se détestent cordialement, jusqu’au jour où une dispute se termine en 5 à 7 torride dans une salle de réunion. Suivent des dizaines de scènes de sexe au bureau, en voyage d’affaire ou encore dans la cabine d’essayage d’une célèbre enseigne de lingerie...
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est que Beautiful Bastard est tout simplement la version enrichie d’une fanfiction téléchargée plus de 2 millions de fois sous le titre de The Office. À l’origine, les deux auteures mettaient en scène les personnages de Twilight, l’une des sagas de prédilection des auteurs de “fanfics”.
Des millions d’écrivains potentiels
Comme son nom l’indique, une fanfiction n’est autre qu’un récit écrit par des fans en reprenant les personnages ou l’univers de leur œuvre préférée. Roman, manga, série, jeu vidéo... le champ est large et la liberté totale, ce qui permet aux écrivains en herbe de remanier totalement le scénario original, de prolonger une saga mais aussi poser leurs fantasmes sur papier.
Ces “fanfics” ont d’abord été publiées dans des fanzines, des magazines de passionnés sur le modèle de ceux qui contenaient de la science-fiction. Ils étaient vendus lors des conventions de fans ou envoyés par la poste. Mais aujourd’hui, les fanfictions et leurs auteurs se trouvent en ligne, sur des sites spécialisés qui permettent à tout un chacun de publier leurs textes.
Le site incontournable pour ces auteurs: fanfiction.net, un gigantesque forum comptant près de 3 millions de membres et 5 millions d’histoires dans pas moins de 40 langues différentes. Ce site incontournable de la fanfiction compte une majorité d’auteurs américains, mais la France est le 5e pays le plus représenté.
La saga Twilight de Stephenie Meyer qui a inspiré Beautiful Bastard ET Cinquante Nuances de Grey, est la troisième source d’inspiration des auteurs du site. En cinq ans, fanfiction.net répertorie plus de 200.000 fictions dérivées sur Bella Swan et Edward Cullen.
À la chasse aux fans
Avec un tel gisement, et le phénomène 50 Shades, rien d’étonnant à ce que les éditeurs partent à la chasse aux fanfictions.
Il y a ceux qui décèlent les “bons plans” en arpentant les sites spécialisés. C’est ainsi que les célèbres éditions britanniques Penguin Books ont découvert et adapté le roman d’une adolescente fan du groupe One Direction se mettant en scène aux côtés du boys band du moment.
Puis il y a ceux qui font venir les auteurs à eux. AudioGo - une entreprise de livres audio - a récemment lancé un concours pour publier les meilleurs fanfictions inspirées de Twilight, MTV en a fait de même avec la série Teen Wolf.
Pour un éditeur, l’intérêt est double: un contrat avantageux avec des auteurs inconnus. Mais la maison d’édition qui publie une fanfiction capitalise surtout sur la communauté de fans de l’œuvre originale; un gros coup de pouce pour le lancement d’un premier roman.
Ce potentiel n’a pas échappé aux Français qui comptent s’y mettre à leur tour. C’est notamment le cas de Bookelis, une plateforme spécialisée dans l’auto-édition. Son créateur, Jean-Yves Normant travaille actuellement à l’édition de fanfictions à destination d’un public jeune et féminin, “mais dans le respect du droit d’auteur”, précise-t-il.
Le hic du droit d’auteur
Le droit d’auteur, c’est en effet l’épée de Damoclès au-dessus de la tête des éditeurs se lançant dans la publication d’une fiction... qui s’inspire d’une autre fiction.
“La frontière est très mince entre s’inspirer d’une oeuvre et la plagier, fait remarquer Jean-Yves Normant. À l’origine une fanfiction est autorisée par la loi car elle n’est pas censée rapporter d’argent. Mais lorsqu’elle devient une œuvre marchande, il faut négocier avec les sociétés détentrices des droits ou revoir considérablement le roman”, alerte l’éditeur.
Outre-Atlantique, on demande aux auteurs à succès de prendre position: pour ou contre les fanfictions. Certains encouragent la création autour de leur œuvre, d’autres refusent catégoriquement. “En règle générale, il y a une certaine méfiance, explique Jean-Yves Normant. Tout simplement car les auteurs ont peur d’être accusés d’avoir repris les idées d’un fan.”
Cela est arrivé à l’écrivain de science-fiction Marion Zimmer Bradley qui après avoir encouragé les fans à s’inspirer de son univers l’a formellement interdit suite à un désaccord avec l’auteur d’une nouvelle. Mais cette mésaventure remonte à 1992 et le monde de l’édition semble prêt à tourner la page.
source : www.huffingtonpost.fr