Bisphenol A : La vulnérabilité des femmes enceintes et de leurs bébés ne fait plus de doute

Bisphenol A : La vulnérabilité des femmes enceintes et de leurs bébés ne fait plus de doute

Le Bisphénol A est cerné.

Et c’est même du jamais vu. Près de 200 experts mobilisés pendant trois ans par l’Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, ont mis à plat avec une exactitude d’entomologiste les risques lourds de ce plastifiant "ubiquitaire" que l’on retrouve partout depuis les années 1960. Dans nos conserves, sur nos tickets de caisse et même parfois dans les sex-toys !

Dans leur giga-rapport, les responsables de l’Anses justifient donc pleinement l’interdiction à la vente par le Parlement, le 24 décembre 2012, de tout contenant alimentaire, imprégné de Bisphénol A. A quelle échéance ? Début 2015. A lire les conclusions de l’Agence, on souhaiterait des délais nettement plus brefs, dès lors que les industriels seront parvenus à mettre au point des substituts sans danger. C’est-à-dire sans Bisphénol A mais aussi S, F, M ou B. Pas gagné.

 

L'alimentation est jugée responsable à 78% du passage de ce perturbateur endocrinien dans l’organisme. Les autres modes de pénétration, indique le rapport, sont l’air qu’on respire (16%) et les poussières domestiques (6%).

 

Conserves, bonbonnes, tickets... 

 

Les coupables de premier rang sont d’ailleurs parfaitement identifiés : les boîtes de conserves. Nappées de résine blanche époxy à base de bisphénol, elles sont tenues pour responsables de 50% du transfert de la molécule par la nourriture. L’Agence, c’est une première, recommande donc aux femmes enceintes, catégorie jugée la plus vulnérable, "de réduire ces expositions", "considérant la mise en évidence de situations à risque pour la descendance". Une injonction dont on aimerait retrouver la trace rapidement. Par exemple dans les carnets de santé.

 

Le jeu de piste dans les cuisines s’annonce cependant sportif pour savoir si vos mixeurs, vos boîtes hermétiques pour micro-ondes ou vos cuves d’autocuiseurs sont "bisphénolisés" ou non. Jetez un œil, conseille l’Anses, sur le marquage, qui n’est d’ailleurs pas obligatoire, de l’appareil. Si vous trouvez un chiffre qui se situe entre 1 et 6, pas de souci. Si c’est un 7 et que le sigle PC est mentionné en dessous, votre matériel peut être mis sans remords en quarantaine.

 

Et vous n’êtes pas au bout de vos peines. L’Anses a également confié une étude auprès d’un labo spécialisé français sur une autre source de contamination : l’eau. Si celle du robinet semble, sauf rares exceptions, hors de cause, il n’en va pas de même des bonbonnes en polycarbonate qui équipent les entreprises et les lieux d’accueil au public (hôpitaux, maternités...) : "L’exposition moyenne au bisphénol d’un adulte consommant quotidiennement un litre d’eau par ce moyen est approximativement 280 fois plus importante qu’avec une consommation équivalente via les eaux de distribution ou embouteillées."

 

S’agissant des reçus des cartes de crédit et de caisse, majoritairement traités au bisphénol A en France, le risque est plus critique encore, notamment pour les caissières. Leur manipulation, selon les calcul d’exposition, est en mesure d'impacter, précise l’Anses, 'la glande mammaire, le cerveau et le comportement, l’appareil reproducteur féminin, le métabolisme et l’obésité' pour les enfants à naître des femmes enceintes. D’abord, parce que les imprégnations de ces papiers thermiques peuvent se révéler particulièrement élevées et se propager par voie cutanée. Ensuite parce que leur recyclage véhicule la molécule dans les journaux, le papier toilette ou les enveloppes… Aux Etats-Unis, le Connecticut interdira dès octobre prochain ces reçus au bisphénol. Au Japon et à Taiwan, ils sont déjà proscrits.

 

Kystes ovariens, puberté précoces... de mère en fille

 

Alarmisme ? Après tout, une majorité d’experts l’a longtemps pensé, écrivant qu'"aucun effet avéré de ce perturbateur endocrinien n’est identifié chez l’homme en l’état actuel des études". Sauf que l’Anses confirme d’abord le nombre spectaculaire de conséquences désormais indiscutables sur le règne animal. Des rats mais aussi des singes. Il s’agit d’affections du développement cérébral après une exposition pré ou périnatal, du surgissement de kystes ovariens, d’altération de la production spermatique, d’avancement de la puberté, d’obésité et de lésions de la glande mammaire. Chez l’homme, les effets dûment "suspectés" concernent d’ores et déjà les pathologies cardiovasculaires et le diabète, qui connaît une épidémie inédite, mais aussi la maturation ovocytaire chez la femme dans un contexte de procréation médiale assistée.

 

Trop souvent encore, les études manquent pour conclure de manière formelle. Pour autant, l’Anses qui revendique un raisonnement ouvert incluant les incertitudes tient in fine à ne pas se dérober sur les risques plausibles. En fonction de l’exposition, du type de transmission, et de la fragilité plus ou moins importante des populations concernées, l’agence a calculé des "doses de toxicologies repères" qui se révèlent parfois 1.000 fois plus exigeantes que la Dose Journalière Tolérable européenne. Elle conclue ainsi à "un risque potentiel pour l’enfant à naître des femmes enceintes exposées".

 

"Les effets identifiés, ajoute-t-elle, portent sur une modification de la structure de la glande mammaire qui pourrait favoriser, chez l’enfant un développement tumoral ultérieur." C’est dit. Et déjà un peu entendu. L’agence sanitaire européenne (Efsa) qui exclut depuis 2006 à peu près tout risque pour la santé humaine devait donner en mai prochain les résultats d’une nouvelle évaluation. Après communication du rapport de l’Anses qui a, semble-t-il fortement impressionné, elle a reporté sa mise à jour dans… six mois.

 

Source : www.blogs.nouvelobs.fr

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