Des députés UMP veulent la création d'une commission d'enquête sur l'introduction et la diffusion de la « gender theory » en France.
Le «gender» est-il en train de gagner la société française? En 2010, Sciences Po créait l'événement avec la mise en place d'un enseignement obligatoire des études de genre. À la rentrée 2011, des manuels scolaires de SVT (science et vie de la terre) faisaient scandale en abordant l'identité sexuelle sous le prisme du genre. Cet été, la nouvelle loi sur le harcèlement sexuel prenait en compte des circonstances aggravantes liées à l'identité de genre.Le 7 septembre dernier, Najat Vallaud-Belkacem, ministre pour le Droit des femmes, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, visitaient la crèche Bourdarias, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), qui ne fait pas la différence entre fillettes et garçonnets au nom du combat contre les «clichés». Et, depuis la rentrée, les opposants au texte sur le mariage pour tous dénoncent un projet de loi fondé sur l'idéologie du genre et remettant en cause l'altérité sexuelle.
De quoi s'agit-il au juste? Les «gender studies» se penchent sur les fonctions de l'homme et de la femme dans la société en raison de leur différence sexuelle et les situations d'inégalité qui en découlent. Dans leur sillage, la théorie du genre, popularisée par la philosophe féministe américaine Judith Butler, établit une distinction entre l'identité sexuelle biologique et l'orientation sexuelle qui résulte d'une construction sociale et de choix personnels. Ainsi, hommes et femmes se définiraient comme tels après en avoir décidé et en fonction de leurs pratiques.
Disparition des pronoms il ou elle
Aujourd'hui, une grande partie de la droite et les opposants au texte du mariage pour tous dénoncent un basculement des études de genre vers la théorie, voire l'idéologie du genre. Autrement dit, un passage de l'étude des stéréotypes à un dogme sur l'orientation sexuelle. «Ce n'est pas la lutte contre les discriminations qui nous pose question, mais la négation de l'altérité sexuelle», précise le député UMP Xavier Breton, animateur de l'Entente parlementaire pour la famille. Et de citer la disparition des termes sexués «père» et «mère» au profit de celui, neutre, de «parent». Ou encore la proposition d'une députée PS de débaptiser l'école «maternelle», terme «genré», pour le remplacer par celui de «petite école» ou «première école».
«Il faut établir un véritable état des lieux de la pénétration de cette théorie dans l'ensemble de notre pays: politique de l'éducation, enseignement scolaire, enseignement supérieur, droits des femmes, droit de la famille, droit social, administration, justice… Les conséquences qu'elle implique représentent un tel bouleversement de notre contrat social que les Français sont en droit d'en être informés», plaident Xavier Breton et la députée UMP Virginie Duby-Muller. Tous deux ont déposé en décembre une demande de création d'une commission d'enquête sur l'introduction et la diffusion de la théorie du «gender» en France.
Leurs inquiétudes portent également sur la petite enfance et la diffusion de structures d'accueil qui, à l'instar de la crèche Bourdarias, gomme les différences entre petites filles et petits garçons. Cette expérience, lancée en 2009, inspirée du modèle suédois, se garde d'aller jusqu'aux pratiques de nos voisins telles que la disparition des pronoms «il» ou «elle» ou l'élimination de jouets trop sexués. Le gouvernement, intéressé par cette lutte contre le sexisme dès le berceau, réfléchit à sa diffusion. Dominique Bertinotti projette même de faire évoluer la formation de tous les professionnels de la petite enfance pour les sensibiliser à la question.