Mère porteuse : la circulaire peut-elle mener à la légalisation?

Mère porteuse : la circulaire peut-elle mener à la légalisation?

La circulaire émanant des services de Christiane Taubira ouvre-t-elle une brèche pour aboutir à l'autorisation de la gestation pour autrui (GPA) en France?

Les avis des juristes divergent. La gestation pour autrui est interdite en France. Le recours à une mère porteuse est un délit, passible de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Dans trois arrêts rendus en 2011, la Cour de cassation a refusé catégoriquement une transcription à l'état civil français d'un enfant né d'une GPA à l'étranger. Elle a notamment rappelé le principe d'indisponibilité de l'état des personnes. Parmi les cas examinés, se trouvait la famille Mennesson, un couple hétérosexuel dont les jumelles, portées par une Californienne, sont nées en 2000 aux États-Unis. Cette jurisprudence a pour effet de rendre les démarches administratives compliquées pour ces enfants - d'où l'expression «fantômes de la République». Tous ne sont cependant pas apatrides, certains ont la nationalité du pays dans lequel ils sont nés.

La circulaire dite Taubira, datée du 25 janvier 2013, demande aux tribunaux de ne plus refuser de délivrer un certificat de nationalité française à un enfant né d'une GPA dans un pays où celle-ci est légale.
Vers une légalisation de la GPA?

La Chancellerie et tout le gouvernement répètent que la GPA restera interdite en France et ne sera pas le prochain droit donné aux homosexuels. Selon eux, la circulaire n'est censée qu'aplanir les difficultés concrètes d'une «quarantaine» d'enfants nés dans ces conditions depuis 4 ans. L'Association des familles homoparentales évoque, elle, «plusieurs milliers d'enfants concernés».

«En 2011, la Cour de cassation a fermé la porte de manière très stricte à la GPA. Il faudrait davantage qu'une circulaire pour modifier cette jurisprudence», estime Stéphanie Hennette-Vauchez, qui enseigne le droit public à l'université de Nanterre. «Cette circulaire concerne juste la délivrance d'un certificat de nationalité pour les enfants dont la filiation avec au moins un parent français est reconnue. Elle ne change rien au droit de la filiation», complète-t-elle. Ainsi, le fait d'attribuer une nationalité n'équivaut pas à établir une filiation. En d'autres termes, un enfant pourra avoir des papiers d'identité mais pas de livret de famille.

Le 16 janvier dernier, devant la commission des lois, la ministre de la Justice a cependant déclaré «réfléchir» à la question de la transcription à l'état civil français des actes de naissance d'enfants ainsi nés à l'étranger.

A l'inverse, le professeur émérite à l'université Bordeaux IV, Jean Hauser, assure que cette circulaire est «un pas supplémentaire vers la GPA en France qui est elle-même inhérente à l'ouverture du mariage aux homosexuels». «On ne règle pas des questions complexes d'état civil par circulaire!, poursuit le juriste. Sans compter que celle-ci crée des différences inadmissibles entre ceux qui ont les moyens d'aller chercher une mère porteuse à l'étranger et les autres. Rien ne sert d'interdire la GPA en France, si on reconnaît ensuite une existence juridique aux enfants nés de mères porteuses».


L'argument de «l'intérêt de l'enfant»

Les partisans d'une reconnaissance légale de ces enfants citent souvent les textes internationaux, comme la Convention de New York de 1989, qui consacre le principe de «l'intérêt supérieur de l'enfant». Si elle fait également référence à ce principe, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) laisse aux États une large marge de manœuvre. «La CEDH a ainsi jugé qu'un pays peut interdire la GPA, rappelle Jean Hauser, qui s'interroge: Quel est l'intérêt supérieur d'un enfant qui aura été porté pendant neuf mois par une femme qu'il ne connaîtra pas?».

Source : www.lefigaro.fr

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