Nuit Européenne des musées au MAC de Lyon : "On organise un week-end festif et gratuit"

Nuit Européenne des musées au MAC de Lyon : "On organise  un week-end festif et gratuit"
Isabelle Bertolotti © Blandine Soulage

À la tête du musée d'Art contemporain de Lyon, Isabelle Bertolotti a une actualité chargée.

Si le MAC participe à la Nuit Européenne des musées, à partir de ce vendredi, et célèbre sa quarantième année d'existence, sa directrice, également directrice artistique de la Biennale d'Art contemporain, s'affaire à la mise en place pour la rentrée prochaine de ce rendez-vous devenu incontournable dans la scène artistique internationale. Rencontre avec une passionnée qui s'engage également à valoriser et faire reconnaître davantage le travail des femmes artistes.  

Vous êtes directrice du Musée d’Art Contemporain de Lyon depuis 2018. Comment êtes-vous arrivée à cette nomination, vous qui êtes davantage présentée comme une historienne de l’art ?
Je suis historienne de l’art, mais je suis aussi conservateur et maintenant conservateur en chef du patrimoine. J’ai commencé ma carrière au MAC de Lyon en 1990, donc je connaissais très bien la structure. Au départ, j’imaginais être archéologue mais les choses font qu’on s’intéresse à l’art ancien et, finalement, on arrive à l’art contemporain. On se rend compte que c’est assez proche. L’archéologie gallo-romaine m’intéressait particulièrement. On faisait des fouilles pour retrouver des objets du quotidien qui nous permettaient de parler des questions de société. Quand on travaille dans l’art contemporain, on se rend compte que les artistes contemporains sont des artistes de leur temps et qu’ils traitent aussi des questions de société. L’art n’est qu’un reflet de ce qu’il se passe dans la vraie vie. C’est ce qui m’intéresse.

Le MAC participe à la prochaine Nuit Européenne des Musées le 18 mai. Y aura-t-il des évènements particuliers autour de cette manifestation ?
Absolument ! Ce sont en plus les 40 ans du musée ! On organise donc un week-end festif avec une journée de discussions et de débats à partir du 17 mai, mais aussi des performances, des concerts, des rencontres. Et ce sera gratuit.

Le but de cet événement est de faire venir un public qui n’a pas toujours l’habitude de se rendre au musée…
Oui, mais c’est quelque chose que l’on essaye de faire de manière régulière. On essaye toute l'année aussi de faire des soirées DJ qui font venir un public de jeunes qui n’ont pas forcément l’habitude de venir au musée. À l’occasion de ces soirées, on fait des gratuités. Je trouve ça chouette que les jeunes passent la porte du musée pour se dire que finalement c’est pour eux.

Pensez-vous justement que l’institution muséale est-t-elle toujours trop sacrée et pas encore suffisamment accessible au plus grand nombre ?
Elle est dans l’imaginaire du public. Il y a beaucoup de musées qui commencent à faire de la médiation pour casser les codes en invitant, par exemple, des danseurs et des musiciens. Au MAC de Lyon, on a inventé le Living qui est un espace et même un musée à vivre. C'est loin du musée sacralisé où il ne faut pas faire de bruit et ne pas parler. On défend cette idée de musée participatif où le public se déplace pour visiter les salles, mais où il peut aussi s’allonger et s’assoir. On casse le temps de visite aussi. On peut dessiner, écouter des podcasts, découper, regarder des vidéos, bouquiner, proposer des livrets de jeux aux enfants… C'est une façon différente de voir le musée. C’est important pour nous de faire comprendre que l’art parle des choses actuelles et peut toucher chacun d’entre nous.

Vous êtes également directrice artistique de la Biennale d’Art Contemporain qui se tiendra à la rentrée prochaine à Lyon. Quelles sont vos attentes cette année ?
Comme on l’avait fait sur la précédente Biennale, il y a un travail sur le territoire. Que le public puisse voir la ville et découvrir les lieux qu’il ne voit et ne connait pas forcément, comme les Grandes Locos mais aussi la Cité de la Gastronomie. La question du Rhône, du fleuve qui traverse la ville, est une symbolique et une métaphore de cette société qui montre que quand on est ensemble, on est plus fort. La question des ponts qui nous relie, est aussi une métaphore de ce qu’on essaye de faire avec l’exposition : faire se rencontrer les gens, réfléchir sur notre société. Les artistes ont cette chance d’avoir un regard un peu différent du fait qu’ils mettent en avant des choses qu’on ne voit pas forcément. On les fait venir à Lyon pour les faire réagir sur l’histoire de Lyon. Il y a aussi beaucoup d’œuvres qui seront produites ici et qui vont nous permettre de découvrir des techniques, des savoir-faire…

Cette Biennale d’art contemporain est l’une des plus importantes dans le monde. Lyon est souvent appelée la capitale de la gastronomie. Est-elle aussi une capitale culturelle ?
Absolument ! Je crois qu’on est modeste à Lyon. Il faut rendre à César ce qui est à César. Le premier musée d’art contemporain, on ne le dit jamais, mais c’est celui de Lyon. Il a été créé par Etienne Raspail en 1984. Il y avait alors Octobre des Arts, un salon qui se déroulait tous les ans qui est devenu la Biennale de Lyon. Lyon est une place très importante. Il y a plein de lieux dédiés à l’art contemporain depuis longtemps. C’est une ville qui a une forte présence dans l’art contemporain, une présence sur le plan mondial qui est désormais reconnue. On reçoit d’ailleurs cette année le congrès des biennales internationales.

Le monde de l’art est encore très masculin. Pensez-vous qu’il s’ouvre davantage aux femmes et quels doivent être leurs atouts pour se faire une place ?
Je pense que cela a considérablement changé ces dernières années grâce aux directeurs et directrices d’établissements. Jusqu’à présent, il y avait beaucoup de femmes dans les écoles d’art qui étaient diplômées, mais qui n’étaient pas montrées et, donc, pas achetées dans les collections. Il y a eu un vrai mouvement quand j’ai pris mon poste. J’ai fait une saison entière consacrée aux artistes femmes, avec un objectif de remonter la présence des femmes dans les collections. J’ai, par exemple axé, les acquisitions du MAC de Lyon sur des artistes femmes en priorité, mais je ne suis pas la seule à le faire en France. Une fois que les femmes sont visibles, c’est comme partout, on se dit que c’est possible. Elles sont achetées et puis montrées. On se rend compte aujourd’hui qu’il y a une bonne dynamique qui part dans la bonne direction et qui fait qu’il y a une énorme percée des artistes femmes. Dans la prochaine Biennale, il y aura d'ailleurs un peu plus de femmes que d’hommes.

Propos recueillis par D. S.

X