Nombreuses d’entre elles sont passées inaperçues lors de la Libération. Il fallut attendre l’émancipation des années 70, et plus précisément l’année 1975, pour qu’elles deviennent enfin reconnues pour leurs actes, tout aussi remarquables que ceux de leurs homologues masculins. Retour sur ces femmes de courage qui ont fait la Résistance lyonnaise.
Au sein de la Résistance, les femmes avaient des rôles assez polyvalents. Certaines résistaient en nourrissant, en approvisionnant, en hébergeant ou en cachant, en toute clandestinité. D’autres assuraient les travaux de secrétariat ou étaient en charge des services sociaux. Elles étaient également nombreuses à jouer des rôles d’agent de liaison, consistant à faire passer des messages et des renseignements entre les résistants mais aussi à transporter des armes et de l’argent.
Bon nombre étaient aussi celles qui rejoignaient des réseaux de résistance étudiante ou intégraient les unités de la France Libre en tant qu’infirmières, médecins, aviatrices. Les Résistantes menaient à bien des missions de sabotage sur les lignes de chemin de fer pour faire exploser des trains allemands. Elles œuvraient pour l’évasion des prisonniers.
Lucie Aubrac
Née le 29 juin 1912, sous le nom de Lucie Bernard, elle se destine à des études pour devenir professeure. Etudiante dans les années 30, déjà dotée d’un tempérament de feu, elle se rapproche de mouvements engagés et adhère aux Jeunesses Communistes, face à la montée du fascisme. En 1939, elle épouse Raymond Samuel, ingénieur des ponts et chaussées, de famille juive.
Ils s’installent à Lyon en 1941, Lucie exerce son métier d’enseignante au lycée de jeunes filles Edgar Quinet. Tous deux s’engagent dans la Résistance sous le nom d’Aubrac. Membre du cercle des dirigeants de la Libération-Sud, elle multiplie les actions clandestines et contribue à la publication du premier numéro de Libération. Lucie fabrique de faux-papiers d’identités, rédige des tracts et aide à franchir la zone libre, tout en continuant son métier.
En mars 1943, Raymond se fait arrêter une première fois. En faisant pression sur le procureur de la République, allant même jusqu’à le menacer de mort, Lucie le fait libérer. Mais en juin 1943, il se retrouve dans le traquenard de Caluire, (où Jean-Moulin et d’autres sont arrêtés) et est emprisonné à Montluc, torturé quotidiennement par Klaus Barbie. Enceinte, Lucie décide de confronter celui que l’on appelle “le Boucher de Lyon“, et invente un scénario afin de voir Raymond.
Elle met en place un stratagème faisant croire à un faux contrat de mariage. Grâce à cette ruse, Lucie connaît le chemin que fera le fourgon qui transportera Raymond. C’est donc le 21 octobre 1943, devant la Manufacture des Tabacs, qu’elle et d’autres résistants mènent l’attaque de la camionnette de la Gestapo. Le chauffeur et les gardes sont tués et ils libèrent Raymond et les treize autres membres à bord. Recherchés activement par la police, ils se cachent et quittent la France pour Londres. Quelques jours plus tard, Lucie donne naissance à sa fille qu’elle appellera Catherine, son faux nom dans la résistance, dont le parrain est Charles de Gaulle. Sur place, elle poursuit ses engagements et s’exprime plusieurs fois sur la BBC, notamment pour parler aux femmes ou louer leur combat.
Plus tard, elle siège à l’Assemblée Consultative, ouvre des maisons pour les orphelins de résistants et se bat pour les droits des femmes. Elle consacrera sa vie à militer pour la liberté et à témoigner, pour ne pas oublier.
Suzanne Buisson
Née le 19 septembre 1883, Suzanne Buisson était une femme politique et résistante. Confrontée au monde du travail très tôt, elle mesure rapidement le manque de protection des travailleurs et surtout des travailleuses. Décidée à faire évoluer les choses, elle rejoint la SFIO. Toute sa vie, elle était une ardente propagandiste des droits politiques de la femme.
Veuve durant la Première Guerre mondiale, elle se retrouve seule avec un enfant. En 1926, elle se marie à Georges Buisson, tous deux sont très engagés dans le parti socialiste. Elle est secrétaire du Comité national des Femmes socialistes et directrice de la page hebdomadaire du Populaire, "La femme, la militante". Elle s’installe à Lyon en 1940 pour fuir l’occupation, c’est à ce moment qu’elle devient résistante. Suzanne est alors au centre des relations avec les mouvements de résistance de la région lyonnaise.
Elle intègre Libération-Sud et organise des rencontres avec "l’Insurgé", un mouvement de résistance lyonnais, puis recrute des militants. L’activité du comité clandestin CAS-Sud passe le plus souvent par Suzanne, son appartement devient l’un des premiers lieux de rendez-vous. Aussi, c’est Suzanne qui assure la liaison entre la zone nord et la zone sud, afin d’unifier la résistance socialiste, ce qui donne naissance au Parti socialiste clandestin. Le 1er avril 1944, elle est arrêtée par la Gestapo.
Emprisonnée à Montluc et torturée dans les caves du boulevard Berthelot, elle est envoyée à la prison de Fresnes, puis déportée au camp d’Auschwitz. Alors âgée de 60 ans, elle n’en reviendra jamais.
Clémence-Annick Burgard
Clémence Fayet est née le 7 février 1923. C’est à 19 ans qu’elle entre dans la Résistance, alors étudiante en droit. Elle rejoint elle aussi le mouvement Libération-Sud et se fait appeler Annick. Elle traverse les départements de France et mène des actions engagées : rédaction et distributions de tracts, passage de messages codés ou de faux-papiers…
Mais le 3 août 1944, pour cause de dénonciation, elle est arrêtée. Emprisonnée à la prison de Montluc, elle subit également la torture. La Libération l’épargne d’une sombre destinée. A sa sortie, elle décide de conserver son prénom de résistante, choisi par ses soins.
Elle consacre une partie de sa vie au témoignage tout en conservant des attaches avec l’association des internés de Montluc.
Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie
Elle nait le 19 janvier 1890, sous le nom d’Elise Rivet, puis devient la Mère supérieure du Couvent Notre Dame de Compassion de Lyon en 1933. Après l’Armistice de 1940, elle se rapproche des mouvements de Résistance et cache des réfugiés ainsi que des armes et des munitions.
A partir de 1941, elle participe au sauvetage d’enfants juifs qu’elle accueillera au Couvent et habille leurs mères en religieuses pour les cacher.
Dénoncée, elle est arrêtée en 1944, emprisonnée à la prison de Montluc, puis déportée dans le camp de concentration de Ravensbrück. Celle qui était surnommée là-bas “la Mère“ est gazée le 30 mars 1945, ayant choisi de prendre la place d’une mère de famille qui y était destinée. Elle reçoit la Croix de guerre et la Médaille des Justes à titre posthume.
Denise Domenach-Lallich
Née en 1924 à Lyon, dans une famille gaulliste, Denise Domenach-Lallich est alertée très tôt aux dangers de la doctrine nazie. Elle rejoint les Forces Unies de la Jeunesse en 1942, puis l’année suivante, les Jeunes Chrétiens Combattants.
Elle mène plusieurs actions pour lutter face à l’oppression. “À vélo, j’allais chercher chez l’imprimeur Eugène Pons des journaux clandestins comme Combat ou Témoignage Chrétien, que j’emmenais dans un magasin où des diffuseurs les acheminaient. J’ai fait passer aussi des messages, de l’argent, des faux papiers. En novembre 1942, alors que Lyon est occupée par les Allemands, j’avais pris des cours de calligraphie J’imitais la signature de commissaires de police sur des faux papiers. Cela se passait dans les sous-sols de la faculté de lettres. On avait un appariteur qui faisait le guet et donnait l’alerte en cas de danger“.
Dès l’âge de 15 ans, pendant la guerre, Denise tient un journal dans lequel elle décrit son quotidien et livre ses convictions risquées.
A la Libération, 1059 Compagnons de la Libération sont félicités, parmi eux, 6 femmes seulement. Elles ne représentent que 10% des Médaillés de la Résistance.
En 1975, l’Union des femmes françaises consacre un colloque aux résistantes, mettant en avant leurs rôles joués durant cette période. A partir de ce moment, les travaux universitaires et les publications se multiplient. Trente ans après la Libération, la France parle d’elles. L’une des raisons de leur effacement jusque-là était sans doute liée aux mœurs de l’époque. Les femmes se devaient d’être teintées de modestie et de discrétion, sans trop faire de bruit ou d’ombre… Ce qui a pu en dissuader certaines de faire valoir leurs mérites.
Sur le site du CHRD, (Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation) il est possible de lire : “L’histoire de cette période ne saurait pourtant s’écrire sans elles […] les jeunes générations ne s’y trompent pas, et se passionnent pour le sujet“.
E.M.