Lyon Femmes : Le grand public vous connaît avec le projet musical Feu ! Chatterton, aujourd’hui vous venez en solo en tant qu’écrivain avec votre recueil Le Déversoir, pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?
Arthur Teboul : C’est un recueil de "poèmes minute" comme j’aime les appeler, c’est-à-dire qu’ils répondent au principe d’écriture automatique. Je les écris très vite pour ne pas laisser venir le lecteur qui est en moi ou la conscience de soi. Cette dextérité permet de subjuguer un peu tout l’esprit critique qui nous habite. Et donc c’est une manière de se laisser traverser par l’instant, par ce qui vient, même si parfois ça peu paraître grotesque, ridicule ou que l’on ne s’attendait pas cette idée, ce mot, c’est une chose à l’intérieur de soi.
C’est donc une écriture très spontanée ?
Oui bien sûr ! Et ça représente, pour moi, une manière de photographier l’instant. C’est comme essayer de mettre en mot, un instant en se laissant traverser par le temps. C’est une écriture que je pratique depuis 7 ans à peu près, je ne m’attendais pas du tout à ce que ça devienne un recueil, c’est un peu un concours de circonstances, d’échanges, de rencontres. C’est une sélection de poèmes sur la durée : certains ont 7 ans ou bien datent du confinement, tandis que d’autres sont très récents, il y en a que j’ai vraiment écrit à la dernière minute juste avant de rendre la copie pour qu’il soit publié *rire*.
Avec ce recueil, on a l’impression que c’est comme si vous n’aviez pas encore tout dit en musique, est ce que c’était un "besoin" pour vous d’écrire un livre ? Avez-vous peut-être déjà pensé à interpréter ces poèmes sur scène, en musique ?
Ce projet est complètement différent de la scène et c’est ça qui me fait du bien aussi dans cette manière d’exprimer ma veine poétique. Pour moi, la source est la même, ce que je fais avec Feu ! Chatterton, ou ce que je fais dans ce livre, c’est la même chose avec des moyens différents. Ces textes-là ne sont pas du tout destinés à être mis en chanson. C’est même une discipline qui est, pour moi, complètement opposée, puisque quand j’écris des chansons, je peux mettre plusieurs mois voire des années. Et même, le cadre est plus restreint, le nombre de mots est limité, il y a un refrain à construire, une structure assez lourde (et belle à la fois) à respecter, on doit raffiner le propos au maximum. En tout cas, c’est comme ça que moi je le conçois et que j’aime le faire. Avec ce recueil, je me laisse aller à ce qui vient, je peux tout simplement coucher sur le papier des formes de textes différentes : que ce soit 4 phrases, ou 15 ou encore de petites nouvelles, ici se sont beaucoup de poèmes en prose notamment.
Il y a 98 poèmes dans ce recueil, si vous en aviez un à choisir lequel ça serait et pourquoi ?
Pour répondre au principe de ce livre, qui est celui de la vérité pure, celui de l’instant, je vais le prendre au hasard… C’est l’un des derniers que j’ai écris, je n’ai pas mis les dates exprès, j’aime l’idée que cette chronologie disparaisse, que tout se mélange. Mais vers la fin, apparaisse tout de même quelques-uns de mes derniers poèmes, notamment un qui symbolise assez bien, je trouve, l’idée générale de cette forme d’écriture, qui s’appelle Une main : "Elle est invisible et maîtresse, la main. Qui partout nous promène en laisse, nous tient. Par le fil de nos pensées." On fait les choses parce qu’une idée nous vient, on est guidé dans nos vies par des réflexions que l’on a, qui nous amène à certaines conclusions pour agir. Mais ces idées-là, d’où viennent-elles ? Ces pensées, qui nous traversent, d’où viennent-elles ?
Vous avez ouvert le temps d’une semaine votre cabinet Le Déversoir à Paris, où vous proposiez des « poèmes minute » sur rendez-vous, quel a été votre ressenti ?
J’ai tellement aimé y être. Ce que je retiens surtout, et maintenant, j’en ai la certitude la plus grande, la plus belle, c’est que le fait de passer un instant avec quelqu’un, d'échanger un poème durant quelques minutes de calme, c’est si bon, si beau. Et ça, c’était évidemment quelque chose de difficile à savoir avant, ce genre de métier n’existe pas vraiment. J’ai vu pendant une semaine un peu plus de 250 personnes. Je voyais ça comme l’inauguration d’un nouveau métier, qui doit exister. Comme je savais que j’allais avoir peu de temps pour l’inscrire dans le réel, j’avais envie de mettre le plus grand éclairage possible sur cette démarche. Pour l’instant il y peu de gens qui le pratique, mais j’invite tous les poètes à le faire. Il ne faut pas grand-chose, juste cette audace et la confiance d’accepter de coucher ce qui nous passe par la tête, par le cœur, sur le papier. Ce n’est pas une thérapie, ni une science, ni un soin, c’est juste un poème. Certains le prennent comme un remède, d’autres comme un talisman, ou bien comme un beau geste, et c’est ça que je trouve très bon dans cet échange. C’était rempli d’émotions, d’humanité.
Vous êtes venu à la rencontre de vos lecteurs lyonnais à la Fnac Bellecour le 26 avril, avez-vous ressenti la même excitation que lors de vos passages sur scènes devant votre public ?
C’est une chose très nouvelle pour moi, je rencontre les gens qui ont lu mon recueil, c’est une nouvelle manière d’échanger autour de ce que je fais. Sur scène, il y a une intensité qui est beaucoup plus grande, du fait de se plonger pendant plusieurs heures dans ce que l’on a de plus beau à délivrer. Là, c’est beaucoup plus détendu, je découvre, avec ce livre, un moyen pour moi de partager une nouvelle intimité avec le public.
Pour terminer, connaissez-vous Lyon ? Avez-vous des lieux de prédilection ? Une salle de concert qui vous a marqué ?
Je ne connais pas très bien la ville, mais nous sommes venus de nombreuses fois pour des concerts, notamment pour les nuits de Fourvière, avec ce souvenir marquant de cette pluie diluvienne sur notre morceau Cote Concorde, ça c’était vraiment dingue, le bruit des k-way imitait celui de la mer et du vent. C’était magique, mystique ! Moi c’est surtout Fourvière que je retiendrai.
Le recueil Le Déversoir est maintenant disponible.
Propos recueillis par A.C.