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Le parfum Miss Dior au musée

Le parfum Miss Dior au musée

L’expo « Miss Dior » au Grand Palais* fait du parfum une oeuvre d’art.

Et si c’était la suite du pop art qui s’écrivait là ? Une expo Miss Dior au Grand Palais, donc une expo Miss Dior dans un temple de la culture, il y a quelques années encore, cela aurait été impossible. Non pas que les musées soient incapables d’accueillir des flacons de parfum, au contraire ils en sont pleins. Il suffit de se promener au Louvre, au milieu des objets en verre de l’Antiquité, pour voir des fioles et des fioles. Et autant de gens les admirer, béats. Donc ce n’est pas tant le flacon qui est insolite dans une expo, c’est plutôt le fait que ce flacon soit le fruit d’une marque, d’un marketing, voire – allons jusqu’au bout – de la si suspecte futilité de la mode. Et pourtant… et si c’était pile ce point délicat qui faisait l’intérêt de ces expositions d’art liées aux marques qui se multiplient ces derniers temps.

 
L’art a une drôle de relation avec les marques. Et avec la mode, n’en parlons même pas. La mode n’est entrée au musée que grâce à la volonté acharnée de certaines personnes cultivées et loufoques. Diana Vreeland organise en 1983 une exposition Yves Saint Laurent au Metropolitan Museum of Art, à New York.
 
Ça fait presque scandale, avant de faire école. Et, surtout, elle attire soudain au musée des gens qui n’y avaient jamais mis les pieds. Est-ce que le parfum (et son nom) arrivera lui aussi à se faire accepter dans le monde de l’art ? Peut-être bien que oui. « Depuis une dizaine d’années, les groupes ont pris conscience de la puissance de leur patrimoine, de l’importance de le soigner et de l’intérêt de le montrer », constate le commissaire de l’exposition Hervé Mikaeloff. Pour cette expo, il a mis au travail quinze artistes. Quinze femmes du monde entier qui ont regardé la marque par le petit bout du flacon et ont créé à partir de lui. A partir de ce parfum où se rencontrent la révolution féministe et le New Look, « elles ont toutes vu quelque chose de différent. C’est une première pour la marque et pour les artistes qui n’avaient jusqu’à ce jour jamais répondu à une commande ni travaillé pour la mode », poursuit Hervé Mikaeloff. La finalisation des créations a pris près de deux ans. Le résultat est assez probant. C’en serait presque à croire que, si Andy Warhol était vivant, il y verrait peut-être la suite du pop art. Une sorte de com’ art attractif et érudit. Dans les années 60, l’historien d’art Arthur Danto faisait remarquer que pouvait être considéré comme oeuvre d’art tout ce qu’une institution désignait comme art. La soupe Campbell’s, par exemple. Aujourd’hui
que ces grandes marques de mode sont devenues elles-mêmes des institutions, et qu’elles sont aussi d’importantes collectionneuses d’art, c’est fascinant de les voir rapprocher leurs produits et le musée.
 
Dans cette expo sur Miss Dior, la maison Dior permet d’admirer d’incontestables oeuvres d’art. Les quinze créations originales sont entourées d’oeuvres prêtées pour l’occasion par des collectionneurs et des musées du monde entier. Un portrait de « Dora Maar sur la plage » par Picasso côtoie ainsi la « Femme cuillère » d’Alberto Giacometti ou encore une « Idole » de Max Ernst. Quel rapport avec le flacon ? Avant de se lancer dans la mode, Christian Dior tenait une galerie d’art qui fit faillite en 1933. S’y croisait tout ce que le milieu artistique faisait de mieux. « Je voulais montrer la proximité de Christian Dior avec les artistes, explique le commissaire d’exposition. A l’époque, il était tout à fait naturel pour un couturier de fréquenter des artistes. Et vice versa. »
 
Aujourd’hui, le propriétaire des parfums Dior, Bernard Arnault – P-DG du groupe LVMH – va bientôt ouvrir une fondation d’art contemporain. Fidèle à l’esprit de Christian Dior, il continue à soutenir les artistes. » Tout cela grâce à un flacon. Et à Miss Dior.
 
* Exposition « Miss Dior », Galerie Courbe, Grand Palais, Paris-8e. Du 13 au 25 novembre. Entrée libre de 11 h à 20 h.
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